Je vous parle ici de ce qu’on a à gagner à aller jusqu’au bout du processus dans la pratique des postures de yoga, c’est-à-dire à ne pas abandonner au milieu d’une posture que l’on percevrait comme « trop difficile ». Je vous partage aussi une anecdote personnelle qui m’a fait franchir un cap dans ma pratique du yoga et vous explique pourquoi il est parfois bon, pour notre bien-être et notre évolution personnelle, de dire à notre mental d’aller se faire cuire un œuf !

Vous le savez peut-être déjà, j’adore faire le lien entre la montagne et le yoga. En voici un nouvel exemple.

En montagne, une randonnée ou une course d’alpinisme ne se termine pas lorsqu’on atteint le sommet, mais lorsqu’on est revenu au point de départ. Les blessures et les accidents arrivent bien souvent sur le chemin du retour, à la descente ou à la fin, lorsqu’on est fatigué ou qu’on relâche son attention. C’est pour cela qu’il est important d’apprendre à gérer son effort et son capital d’énergie afin d’en « garder un peu sous le coude » pour le retour.

Dans le yoga, c’est la même chose. La pratique d’une posture ne se termine pas lorsqu’on est enfin installé dans la posture, mais lorsqu’on est revenu au point de départ, en position neutre (dans Tadasana, par exemple). Savoir sortir de la posture avec contrôle, lenteur et en ayant conscience de chaque mouvement nous permet d’aller au bout de la pratique en toute sécurité et de préserver l’intégrité de notre corps en évitant les blessures. Cela permet aussi de développer d’autres aptitudes, comme la capacité de gérer son effort et de pouvoir puiser dans des ressources insoupçonnées, surtout lorsqu’on croit qu’on est arrivé au bout de nos possibilités.

Les blessures arrivent souvent lorsqu’on se relâche, qu’on perd le contrôle de notre corps. Tout l’intérêt de la pratique consiste à rester à l’écoute de notre corps pour ne pas aller jusqu’au point de rupture et sentir à quel moment il convient de sortir de la posture, c’est-à-dire le moment où il nous reste encore un peu d’énergie pour accomplir avec contrôle toutes les étapes qui nous ramènent au point de départ.

Mais cela va bien plus loin. J’ai le souvenir d’un cours de yoga que je suivais en tant qu’élève, au cours duquel, après une longue série de planches qui avait mis nos muscles en feu, tout le monde s’écroulait à plat ventre sur son tapis, y compris moi. Peut-être que ça vous parle… Constatant cela, la prof nous a dit : « Savez-vous quel message vous envoyez à votre inconscient en faisant ça ? Vous lui dites : « Je me laisse tomber. Je ne suis pas capable de me soutenir et de supporter mon propre poids. » Sous-entendu : « Dans la vie, je me laisse tomber face à la difficulté et je ne peux pas être un soutien pour moi-même. » (On peut aussi se demander si on ferait pareil pour quelqu’un d’autre, un être cher, un ami, un inconnu, un membre de notre famille. Est-ce qu’on le laisserait tomber s’il se trouvait en difficulté ou est-ce qu’on viendrait à son secours ? Alors pourquoi on ne le fait-on pas aussi pour nous-même ?) Suite à cela, nous avons immédiatement refait une série de planches et là, comme par magie, personne ne s’est écroulé sur son tapis ! Cela prouve qu’on a tous des ressources insoupçonnées et que même lorsqu’on croit qu’on a atteint notre limite, on a encore de l’énergie en réserve.

Ce moment a marqué ma vie et m’a fait franchir un cap dans ma pratique du yoga. Depuis, je ne me suis plus jamais « enfui » d’une posture en m’écroulant. Je ne dis pas que je ne tombe plus car il m’arrive bien sûr de perdre l’équilibre, mais que j’essaie de ne plus me « laisser tomber », de ne plus « m’abandonner ». Parce que c’est bien de cela dont il s’agit, s’enfuir pour échapper à l’inconfort. À ce moment-là, c’est notre ego qui prend le contrôle de la situation en réactivant nos peurs pour nous maintenir dans le confort, la sécurité, le connu et nous empêcher d’évoluer : « Tu vas te faire mal ! Si tu ne restes pas dans ta zone de confort et de sécurité, tu te mets en danger ! (Sous-entendu : « tu vas mourir »). De toute façon, tu n’y arriveras pas, abandonne toute de suite. », etc. Mais s’il y a une chose à retenir, c’est que fuir l’inconfort ou l’inconnu est précisément ce qui empêche tout changement dans notre vie. C’est ce qui nous empêche d’évoluer et de progresser.

Et ce dont on n’a souvent pas conscience, c’est que tout ce qui se passe sur notre tapis de yoga n’est que le reflet de ce qui se passe dans notre vie et de notre façon de réagir face aux événements et aux situations que l’on rencontre. Et c’est là que je veux en venir. La pratique du yoga nous apprend non seulement à accepter l’inconfort, mais aussi à s’en sortir en restant conscient et maître de la situation pour ne pas subir de conséquences inattendues et dommageables (blessures, conflits, rancœur, déception, frustration, etc.).

Pour en revenir à l’analogie entre la montagne et le yoga, si on saute l’étape de la sortie de la posture en contrôle, c’est comme si, une fois arrivé au sommet de la montagne, on se jetait par terre afin de se laisser rouler dans la pente pour redescendre sans se demander si on ne va pas s’écraser sur des rochers ou tomber dans un trou. Personne n’aurait l’idée de faire ça. Enfin je crois… On redescend comme on est monté, en suivant le même chemin ou un chemin différent, mais un chemin quand même, et en avançant pas à pas jusqu’à notre point de départ. On peut trébucher et tomber, mais on reprend le chemin et on le suit jusqu’au bout.

Cela ne veut pas dire qu’on y parviendra à chaque fois, loin de là. Nous restons des humains et parfois, il faut accepter qu’aujourd’hui ou cette fois-ci, on n’y arrive pas. Il ne s’agit pas non plus de se mettre la pression pour rester dans le contrôle coûte que coûte. Perdre l’équilibre et chuter malgré toute notre bonne volonté, cela arrive, au yoga comme dans la vie. Mais ce n’est pas la même chose que de se laisser tomber sous l’emprise de notre mental. La chute involontaire est une formidable occasion d’apprendre et d’évoluer. Le tout est de se relever et de réessayer. Il suffit d’observer les enfants qui apprennent à marcher. Vous imaginez s’ils arrêtaient d’essayer de se relever à chaque chute ?

Perdre l’équilibre et rouler comme une boule sur mon tapis, c’est m’est arrivé ! Et si on a suffisamment d’humour pour ne pas se prendre au sérieux, cela n’a pas de conséquence (surtout si on ne s’est pas blessé). On peut même y voir une magnifique occasion de se payer une bonne tranche de rigolade (notre troisième chakra et notre âme nous en remercieront). Mais il peut arriver que ce soit un sentiment d’échec qui nous envahisse lorsqu’on est « tombé », ce qui est dommage puisqu’à mon sens, l’échec ne réside pas dans le fait de tomber mais dans le fait de ne pas se relever. Cela révèle aussi que l’on s’était forgé une certaine image de la réussite et que tant qu’on n’atteint pas cette image, on sera dans l’échec. Et là, on n’est plus dans le yoga.

Pour faire le lien avec l’étape de la sortie de la posture, on peut vaciller, perdre l’équilibre ou tomber plusieurs fois, ce qui compte, c’est de ne pas abandonner, de reprendre là où en était et d’aller jusqu’au bout, non pas pour alimenter notre ego, mais pour informer notre corps et notre subconscient qu’on en est capable, qu’on ne se laisse pas tomber et qu’on peut être un soutien pour soi-même. En plus, cela permet de muscler notre concentration et notre détermination. Et comme toute pratique, plus on s’entraîne, plus ça devient facile et plus on obtient de résultats.

Le cercle vicieux de la peur

Bien sûr, il existe une limite actuelle à nos capacités physiques (je dis « actuelle » car cette limite peut bouger à tout moment), sauf que bien souvent, cette limite n’est pas là où on croit mais là où notre mental nous fait croire qu’elle se trouve. Et le pire, c’est qu’on y croit dur comme fer ! Et tant qu’on n’a pas de preuve du contraire, on continuera à croire notre mental et à rester bloqué et enfermé dans les limites qu’il nous impose. Le problème, c’est qu’en général, on attend passivement des preuves de nos capacités au lieu de se les donner à soi-même. Et on peut attendre longtemps car notre mental est très fort pour nous maintenir dans notre zone de confort. C’est même sa spécialité et c’est ce qui nous empêche d’évoluer. Sa technique favorite consiste à réactiver nos peurs et il réussit presque à tous les coups. On se retrouve alors coincé dans un cercle vicieux : on a peur donc on n’y va pas, et comme on n’y va jamais, on a toujours peur. Et cela vaut même pour quelque chose d’aussi anecdotique que la pratique d’une posture de yoga.

L’importance du sentiment

Ce qu’il est intéressant d’observer dans cette situation, ce n’est pas tant le fait de s’enfuir ou non de la posture, mais le sentiment qui nous habite après coup en se demandant : comment je me sens après avoir « lâché les armes », après m’être « laissé tomber » ? Déçu ? Frustré ? Incapable ? Nul ? Découragé ? Faible ? En colère ? Ou tout autre sentiment désagréable tourné contre soi-même ?

Et comment je me sens après avoir tenu bon en faisant taire mon mental et en croyant en mes capacités cachées ? Fier de moi ? Fort ? Capable ? Heureux ? Solide ? Galvanisé ? Satisfait ? Motivé ?

Ou peut-être que, dans un cas comme dans l’autre, cela ne provoque rien en nous et que ça nous est complètement égal et c’est tant mieux ! On aurait atteint cet état de neutralité totale face à ce qu’on vit. Peut-être aussi que nous n’avons tout simplement pas envie d’évoluer par rapport à qui nous sommes aujourd’hui et vous savez quoi ? On a le droit ! On n’a pas tous les mêmes envies, les mêmes aspirations, le même chemin de vie.

Je m’adresse plutôt ici à ceux qui, comme moi, ont envie d’évoluer sur le plan personnel et de donner une autre dimension à leur existence à travers la pratique du yoga.

Étape 1 : prendre conscience

Tout commence par le fait de prendre conscience du discours de notre mental

Étape 2 : douter

Il s’agit ensuite de douter de ce que nous dit notre mental, de mettre en doute la petite voix dans notre tête en contrant ses arguments. Pour cela, on peut utiliser la formule « Et si… ? »

« Tu n’en es pas capable » => « Et si j’y arrivais ? »

« Tu vas te faire mal ! » => « Et si je faisais confiance à mon corps ? »

« C’est trop difficile ! » => « Et si j’essayais ? »

 

Enfin vous voyez le principe. C’est comme si la formule « Et si… ? » déclenchait l’étincelle nécessaire pour allumer un feu ou un moteur.

Étape 3 : observer

Observer ce qui se passe en nous lorsqu’on lâche prise, qu’on dit à notre mental d’aller se faire cuire un œuf et qu’on décide consciemment de se faire confiance et d’essayer.

Je crois que nos ressentis et notre discours intérieur peuvent être de véritables facteurs de motivation et que pour notre bien-être et notre évolution personnelle, on a tout intérêt à muscler notre aptitude à contrer notre mental, à croire en nos capacités, à faire confiance à notre corps et à aller vers l’inconnu. Dans le yoga cela passe par le simple fait d’aller jusqu’au bout de la pratique des postures et de maintenir notre effort et notre attention jusqu’à être revenu au point de départ, comme pour boucler une boucle ou comme lorsqu’on rentre à la maison après être parti en voyage. Un voyage intérieur dans le cas du yoga.

Qu’a-t-on à perdre à essayer ?

Si vous souhaitez être accompagné.e dans votre pratique, retrouvez tous les détails concernant mes cours de yoga à Annecy sur les pages Mes pratiques et Cours et événements.