D’après vous, y a-t-il un lien entre récurer les toilettes et la spiritualité ? Non ? Alors cet article a été écrit pour vous !

Aujourd’hui et depuis quelque temps déjà, on entend et on lit partout que pour se connecter à soi, à sa nature profonde, à qui on est « vraiment » et apprendre à mieux se connaître, il faut arrêter de « faire » pour se placer dans l’« être », sinon « on n’a rien compris », « on n’est pas connecté à soi », « on n’évoluera pas », « on n’obtiendra pas ce qu’on veut », « on ne se réalisera pas », etc. Combien de fois ai-je entendu « Tu es trop dans le « faire » ! » Ce que j’ai fini par croire, à tel point que j’en étais devenue allergique au verbe « faire ». Je n’osais même plus le prononcer ! Je trouvais toujours un moyen d’employer un autre verbe ou de tourner la phrase différemment. J’avais développé la peur qu’on me juge dès lors que je prononcerais le verbe « faire » : « Aaaah ! Tu as dit « faire » ! Tu es dans le « faire », honte à toi ! Tu dois encore « travailler » sur toi. » Dans ma tête, c’était exactement comme le jeu du « ni oui ni non », mais avec le verbe « faire ».

Du coup, sous l’emprise de toutes ces injonctions à « être » absolument, je me suis efforcée pendant deux ans de me détacher du « faire » (jusqu’à exclure ce mot de mon vocabulaire !), de sortir du mode « action », pour essayer de passer plus de temps (beaucoup plus!) à « être ». Trop peut-être, car le constat que j’ai fait au bout de ces deux années (mis à part le fait que c’est vraiment dingue d’en être arrivée là) est que je me suis complètement perdue. Je me suis déconnectée de ma vraie nature. Mon feu intérieur, cette énergie de transformation qui nous pousse à agir pour accomplir des choses et avancer vers ce qui nous rend heureux, s’était éteint. Je ne dis pas qu’« être » est mauvais et qu’il faut seulement faire, faire, faire. Je suis moi-même une grande contemplative qui aime passer des heures à ne rien faire. Je dis simplement que « faire » n’est pas néfaste et n’entrave pas notre évolution. Que « faire » n’est pas un gros mot et que c’est même l’action qui permet la transformation.

À mon sens, l’équilibre ne se trouve jamais dans les extrêmes et donc pas seulement dans l’« être » ou dans le « faire », mais entre les deux. Pour avancer et créer des choses dans la matière, réaliser nos rêves, matérialiser nos projets et donc changer notre réalité, le mode action est essentiel. Sans ce mode, nos idées, rêves et projets resteront éternellement à cet état. Bien entendu, le mode « être », qu’on pourrait aussi appeler tout simplement le mode « repos », est essentiel pour nous permettre de nous régénérer et de reconstituer les ressources consommées par le mode « action ». Mais ne croyons pas que le mode action n’a pas sa place ou nous détruit. Il nous permet d’avancer et d’évoluer, pour autant qu’on ne le surexploite pas.

Pour en revenir à la notion de spiritualité, je crois que chacun peut en avoir sa propre définition. Aujourd’hui (peut-être que j’aurai changé d’avis demain), je vois la spiritualité comme le fait de croire que notre vraie nature est la joie, de se connecter à cet état de joie intérieure et de le vivre en pleine conscience. D’expérimenter le sentiment d’être soi, sans masque, sans filtre, sans peur d’être jugé, sans être conditionné par le regard des autres ou les injonctions sociétales ; se sentir bien, à sa place, heureux et rempli d’un sentiment de plénitude et de gratitude.

Cette émotion de joie peut naître et exister dans l’action et provenir de sources différentes selon les personnes. Lorsqu’on fait quelque chose et qu’on est tellement absorbé par ce qu’on fait qu’on ne voit pas le temps passer, on est en train de vivre une expérience purement spirituelle. On est connecté à notre nature profonde, à notre âme.

Je ne crois pas que la séparation entre « être » et « faire » soit aussi imperméable que cela. Je suis convaincue qu’on peut « être soi » dans le « faire », se rencontrer et apprendre à se connaître dans l’action. Agir et « faire » des expériences permet de savoir ce qu’on veut et ce qu’on ne veut pas ou plus, et donc de déterminer la direction à prendre dans notre vie. « Être » permet d’intégrer toutes les nouvelles informations recueillies dans le « faire », de les digérer avant de les utiliser pour notre bien-être ou celui des autres en basculant à nouveau dans l’action.

Mais alors, comment savoir si on vit une expérience spirituelle en étant dans l’action ? Je dirais que quatre critères nous permettent de le savoir : 1) On ressent de la joie, on se sent heureux. 2) On ne voit pas le temps passer, on perd la notion du temps. 3) On s’oublie et on oublie ses problèmes et ses douleurs, on est totalement absorbé dans l’action. 4) Un sentiment d’accomplissement et de plénitude nous envahit lorsqu’on a accompli cette tâche.

Si cela vous arrive alors que vous êtes en train de récurer la cuvette des WC, alors cette tâche est, pour vous, une porte d’accès à la spiritualité. Si ce que vous aimez le plus au monde et ce qui vous rend profondément heureux est de faire des meubles, des gâteaux, la vaisselle ou du macramé, alors « faire » cela est l’expérience la plus spirituelle que vous puissiez vivre. Elle est votre porte d’accès à la spiritualité. Pour moi, il y donc presque autant de manières d’accéder à la spiritualité que d’individus sur Terre. 

Il y a des personnes qui ne se disent pas « spirituelles », qui ne se sentent pas connectées à cela ou qui ne croient pas à l’existence d’une dimension spirituelle de leur être et elles en ont le droit. Cela leur appartient. Je crois simplement que ces personnes vivent en fait leur spiritualité sans en avoir conscience lorsqu’elles sont absorbées dans l’action, en train de faire qqch qui les rend véritablement heureuses. Dès lors que l’on se sent rempli de joie en faisant quelque chose, on est en train de vivre pleinement sa spiritualité.

La spiritualité se vit au quotidien, dans ce qu’on appelle la « vraie vie », et n’est pas séparée de l’action. Croire que la spiritualité est quelque chose d’abstrait qui se vit uniquement dans l’inaction, l’immobilisme, la méditation ou la contemplation serait passer à côté de sa spiritualité. Quel dommage !

Dans le monde du développement personnel, il est une croyance très répandue selon laquelle « faire » nous détruit ou nous épuise et « être » nous reconstruit ou nous régénère. Ce serait faire une généralité et vous le savez peut-être, je n’aime pas faire de généralités. Cela est peut-être vrai pour certaines personnes ou dans certains cas mais se vérifie pas dans tous les cas. On peut tout à fait se ressourcer et s’épanouir dans l’action et c’est mon cas. J’ai mis du temps (des années !) à le comprendre et à l’accepter, mais aujourd’hui, je sais que c’est ma façon de vivre ma spiritualité ou en tout cas ma porte d’accès privilégiée à celle-ci.

Nous sommes faits pour l’action et notre corps est fait pour le mouvement. Toute la difficulté réside dans le fait de trouver le rythme approprié et d’adapter la cadence en fonction des situations et de nos besoins. La recherche du juste milieu, de l’équilibre entre les polarités (faire et être, la masculin et le féminin, le yang et le yin, etc.) est précisément ce que visent des pratiques comme le yoga ou le qi gong.

Et si trop d’action (ce « trop » étant tout relatif) peut consommer notre énergie, l’action juste, celle qui nous nourrit, nous rend heureux et nous permet de concrétiser nos projets peut, au contraire, nous alimenter en énergie. Elle peut même réveiller et refaire circuler une énergie qui était jusque-là stagnante ou en sommeil. C’est un peu comme un feu qui brûle et détruit lorsqu’il est trop fort ou incontrôlé, mais qui éclaire, réchauffe et transforme lorsqu’il est maîtrisé.

C’est cette énergie du feu, de l’action, du mouvement dont nous avons besoin pour nous accomplir en tant qu’être humain. La vie est bien trop courte pour la regarder passer en se disant « Je ferai ça plus tard ». Parce que « plus tard », c’est quand en fait ? Ne bridons pas cette énergie et n’ayons pas peur du verbe « faire ». Si « faire » nous épuise, alors il est peut-être temps de se reposer et de s’interroger. Mais si « faire » nous rend heureux, nous apporte un mieux-être et nous remplit d’énergie positive, alors pourquoi s’en priver ?

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