De nos jours, on entend beaucoup parler d’éveil (éveil spirituel, éveil de conscience, etc.) en nous présentant cet état d’éveil comme l’accès aux plans de conscience les plus élevés, comme une libération de toutes les souffrances issue d’une fusion entre notre conscience individuelle et la conscience universelle, c’est à dire entre nous (un individu séparé des autres) et l’Univers, Dieu, le Grand Tout, la Source, le Divin ou tout autre nom que l’on peut donner à cette énergie universelle, cette force qui régit le monde.
C’est une définition très répandue et c’est ce que certaines cultures et traditions appellent l’état de yoga (« yoga » vient du mot sanscrit « yug » qui signifie « union », « joindre », « joug », « relier »).
Mais honnêtement, est-ce que cela vous parle ? Est-ce que tout cela est clair dans votre esprit ? Est-ce que cet état d’éveil vous semble accessible ? À moins d’avoir passé un certain temps à étudier les textes philosophiques liés à la spiritualité, il est probable que ces notions ne soient que du chinois pour vous et que vous ne vous sentiez même pas concerné par tout cela.
En ce qui me concerne, je me sens assez éloignée de la notion d’éveil telle que définie ci-dessus. Et si, comme beaucoup, vous vous dites que l’éveil ne se choisit pas, que c’est un truc de bouddhiste, que c’est quelque chose qui nous « tombe dessus » et qui n’arrive qu’à quelques grands méditants coupés du monde au prix de gros efforts, je vous propose une autre façon de voir les choses qui m’a franchement décomplexée face à cette notion d’éveil.
J’ai personnellement changé de point de vue à ce sujet et cela m’a grandement libérée. Mais libérée de quoi ? Je trouve que la définition de l’éveil donnée ci-dessus peut très facilement créer un sentiment d’impuissance, de frustration, de découragement, voire de culpabilité. En effet, on met les meilleures intentions du monde à méditer, à faire du yoga, à prêter attention à notre respiration, etc. et pourtant, on n’a pas l’impression de s’éveiller, de ressentir cet état de béatitude et de fusion avec le monde qui nous entoure et d’être libéré de nos souffrances. Ou on se dit : « Si on a si peu de chance de parvenir à l’éveil, à quoi bon ? » Ça vous parle ?
Cela montre tout simplement deux choses : la première est que l’on se trompe d’objectif. On cherche à s’éveiller au lieu de simplement chercher à se sentir bien dans notre quotidien. La deuxième est que l’on se focalise sur un objectif au lieu de porter son attention sur le processus, d’apprécier le chemin, l’instant présent.
Là où je veux en venir, c’est que pour moi, l’éveil n’est pas forcément un but à rechercher ou un état de libération ultime à atteindre, mais un état qui se cultive au quotidien. Je dirais même, une pratique. Et encore mieux : une pratique accessible à tous ! Laquelle ? Je l’appelle « vivre en conscience ».
Et si « être éveillé », c’était tout simplement vivre chaque jour dans la pleine conscience de ses pensées, de ses paroles, de ses actes et de ses intentions ? Dans la pleine conscience de son état physique, émotionnel et mental ? Vivre en étant connecté à soi, en étant à l’écoute de notre corps, de nos intuitions et de nos sensations ? Vivre en étant parfaitement lucide quant aux événements qui surviennent dans notre vie et en comprenant pourquoi ils arrivent ou tout simplement en acceptant qu’ils n’arrivent pas par hasard mais qu’ils aient un sens pour nous ou pour notre vie ?
Aujourd’hui, on vit bien souvent coupé de nous-mêmes. On est déconnecté de notre corps, on émet des dizaines de milliers de pensées chaque jour sans en avoir conscience, on refoule nos émotions — probablement un des comportements les plus nuisibles que l’on puisse avoir pour nous-mêmes et pourtant bien ancré dans notre inconscient et alimenté par les conditionnements et la croyance qu’il ne faut pas montrer ses émotions ou sa vulnérabilité au « risque » de passer pour quelqu’un de « faible » … Je mets tous ces mots entre guillemets car, pour moi, montrer sa vulnérabilité et laisser vivre ses émotions est une force, un cadeau que l’on se fait, un atout pour notre santé physique et mentale, une libération que l’on s’offre et une preuve d’humanité et de bienveillance envers soi-même —, on cherche à anesthésier nos douleurs ou toute sensation désagréable, on agit machinalement, on émet de mauvaises intentions envers les personnes ou les situations qui nous ont causé du tort, etc. Et tout cela sans forcément en avoir conscience.
Et si l’éveil, c’était de comprendre que l’on peut créer notre vie en choisissant consciemment nos pensées, nos paroles, nos actes et nos intentions ? De comprendre que l’on est constamment guidé sur le chemin de la vie par tous les messages que notre corps nous envoie, qu’il s’agisse de manifestations physiques, mentales où émotionnelles ?
Cela ne vous semble-il pas beaucoup plus accessible ?
Parce qu’en fait, c’est quoi qu’on appelle la « conscience universelle » ? Selon moi, c’est tout simplement notre âme. Notre âme est une manifestation de la conscience universelle, de l’énergie de l’univers. Un peu comme une vague dans un océan d’énergie. On peut aussi l’appeler notre « nature profonde » ou notre « vraie nature » (par opposition à l’identité que l’on se crée et qui constitue notre ego). Et l’état de base de notre nature profonde, c’est la joie. Lorsqu’on ressent de la joie, on est connecté à notre âme et on vit donc une forme d’éveil. C’est en tout cas ce que j’ai envie de croire.
J’adore aussi la définition donnée par Anthony de Mello, prêtre jésuite indien, grand maître spirituel et psychothérapeute du XXème siècle, auteur de plusieurs ouvrages sur la spiritualité et l’éveil de conscience, qui dit : « Une personne qui ne marche plus au son des tambours de la société et qui danse sur la musique qui jaillit d’elle-même, voilà une excellente définition de l’être éveillé. ».
En résumé, pour moi, être éveillé c’est vivre en étant à l’écoute de soi, connecté à son corps, à son cœur et à son esprit et en accueillant ce qu’ils ont à nous dire. Cette façon de considérer l’éveil (que j’ai adoptée mais qui n’est en aucun cas la seule définition de l’éveil ni une vérité universelle) m’a aidée à réaliser que je pouvais récupérer mon pouvoir, reprendre le contrôle de ma vie et assumer la responsabilité de ce qui m’arrive, que cela soit agréable ou désagréable. Mon expérience personnelle m’a permis de constater que vivre en conscience, c’est vivre avec moins de souffrance. Et même si cela est parfois difficile à croire ou à expérimenter, surtout lorsqu’on est en proie à une grande souffrance, j’en suis aujourd’hui convaincue.
À ce sujet, Anthony de Mello explique que notre souffrance, en tant qu’êtres humains, vient de notre façon de percevoir la vie et les événements extérieurs. Il précise que, face à un événement, nous pouvons souffrir ou non en fonction de notre degré de conscience et de notre interprétation de la réalité et que, pour ne pas souffrir, il faut agir sur notre façon de penser et de percevoir la vie, et non sur la réalité extérieure.
La bonne nouvelle dans tout cela, c’est que de ce point de vue, vivre un état d’éveil (vivre en conscience et se connecter à notre vraie nature qu’est la joie) est donc accessible à tous et que ce n’est qu’une question de choix. Je ne dis pas que cela est facile et se produit du jour au lendemain. C’est un processus, parfois long et jonché d’obstacles, mais dans lequel on peut tout de même choisir de s’engager, un chemin que l’on décide d’emprunter. On peut choisir de vivre éveillé ou de laisser notre inconscient diriger notre vie et mettant tout ce qui nous arrive sur le compte du « hasard » ou en blâmant les autres ou le « destin ».
Tous les points de vue sont justes puisque nous vivons tous une réalité qui nous est propre. Pour ma part, je préfère pratiquer l’éveil plutôt que de l’attendre ou de l’espérer. Et vous ?
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